L’infogérance dans les collectivités locales? A consommer avec modération
L’infogérance dans les collectivités n’est plus un sujet tabou. Lorsque 25% d’entre elles envisagent une externalisation partielle de leur système d’information, cela traduit bien une réelle difficulté à faire face seules aux chantiers qu’attendent les DSI.
Dans ce domaine, André Santini, maire d’Issy les Moulineaux a eu une approche radicale : dès 1998 il procédait à une externalisation complète de son système d’information. Malgré une bonne campagne médiatique, 9 ans après son cas d’école n’a pas fait recette. Histoire d’un échec annoncé …
L’infogérance :
On parle d’infogérance
lorsqu’une société sous-traite à un prestataire la gestion de tout ou
partie de son système d’information en définissant la qualité de service attendu permettant d’exiger une obligation de résultat.
Le mot magique est lancé : « l'obligation de résultat », quel confort pour un DSI devant faire évoluer simultanément :
- l’infrastructure technique
- les progiciels métiers à webiser
- les projets très tendance "e-administration"
- la sécurité du système d’information étendu
- autant de nouvelles ressources que de nouveaux produits "high tech" à consacrer aux VIP
Mais la qualité de service attendue est en fait contractualisée une fois le titulaire
désigné. Et pour cause le titulaire a besoin de connaître parfaitement
son environnement pour s’engager. Par ailleurs cet engagement n’est pas
unilatéral : la collectivité devra respecter bon nombres de pré requis
avant de pouvoir engager la responsabilité du titulaire.
Les principaux risques d’une infogérance :
- Réduire les systèmes d’information à une simple infrastructure technique :
c’est
de loin le principal risque qui conduit à l’infogérance globale. Ne percevant que les éléments visibles :
le matériel, on en oublie le système d’information qui cristallise
toute une organisation dans 50 progiciels différents avec ses
processus, ses langages métiers ses règles et ses modalités d’échanges.
Des illustrations tangibles à travers la
décentralisation acte 2 : on se focalise sur les hommes, c'est humain,
on affine le partage des compétences, mais quid des systèmes
d'information ? Le personnel de la DDE transféré va "récupérer" ses
projets, ses SIG, ses suivis d'opérations par un simple transfert
de fichiers ?
On reconnaît aujourd'hui que la condition
essentielle de réussite d'une fusion d'entreprises est la capacité de réussir l'intégration
ou l'interropérabilité des 2 systèmes d'information d'origine.
- La multiplicité des métiers de la collectivité
embarqué dans des dizaines de progiciels d’éditeurs différents avec
leur architecture technique propre rend l’infogérance de production
avec en moyenne 3 à 4 mise à jour par an et par progiciel impossible ou
très coûteuse. La ville de Suresnes en a tiré les conclusions et n’a
pas renouvelé son marché d’infogérance de production du parc micro et
de help desk (1998-2001).
- Un help desk limité aux fonctions bureautiques
des produits dominant du marché.
Trouvez un help desk qualifié sur la
suite bureautique Open Office à la place de Microsoft office par
exemple.
Quid du help desk des applicatifs métiers ?
- Les évolutions techniques, réglementaires et fonctionnelles non quantifiables
sur le moyen terme rendent les garanties de mises en oeuvre par
l'infogérant toutes relatives. On attend une nième réforme du code des
marchés publics avec un délai de mise en place trop cours pour mener à
bien un développement et des tests suffisants. Il y aura donc des
versions multiples à installer corrigant la version précédente.
- Une infogérance sur site
conduit inévitablement à un mélange des genres et des responsabilités.
On ne sait plus qui fait quoi entre l'infogérant et les agents de la
collectivité. L'infogérance se résume alors à une mise à disposition de
personnel, on perd ainsi tout engagement de résultat. A l'inverse
comment faire autrement quand on voit que l'infrastructure réseau des
collectivités doit évoluer sur du Giga bits alors que les résesaux
étendus reliant la collectivité à l'infogérant sont limités à quelques Méga bits. L'hébergement externalisé
chez le prestataire (mode appelé FAH ou ASP)du coeur du système d'information des collectivités n'est
pas viable sur le plan technique à ce jour.
- Une convention de service inapplicable
- Les conditions de réversibilité malles définies et non testées de façon régulières pendant toute la vie du contrat.
Le périmètre de l’infogérance :
Du plus classique au plus risqué :
- l’hébergement
- infogérance d’infrastructure distribuée
- infogérance du parc micro
- le help desk
- infogérance de production
- Tierce
maintenance applicative (marginale dans les collectivités locales
puisqu’elle est assurée par les éditeurs de progiciels métiers)
L’infogérance dans les collectivités : une vieille histoire :
Elle n’est que la traduction informatique d’une Délégation de Service Public que les collectivités utilisent depuis longtemps.
Les DSI font de la prose sans le savoir, jugez plutôt :
- La
majorité des collectivités a aujourd’hui une solution d’hébergement
de leur site Internet externalisé chez un hébergeur où une garantie de
résultat est demandée (bande passante, disponibilité, sécurité …)
- La
dématérialisation des appels d’offres obligatoires depuis Janvier 2005
a fait rentrer le mode FAH par la grande porte. La grande majorité des
collectivités a retenu cette approche.
- La
gestion de leurs autocoms est en bonne partie infogérée. Quelle est la
collectivité qui procède aujourd’hui à la mise à jour de ses serveurs
de téléphonies ?